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Jean Belfils et l’attention aux malades

Une nouvelle approche en matière de prise en charge psychiatrique

Saint-Lizier 1811-1969

Un Asile d’aliénés – Saint-Lizier 1811-1969, André Ortet
Hôpital psychiatrique de Saint-Lizier

Jean Belfils et le service des enfants

« Pour ce qui concerne les divers services, il en est un bien particulier que nous ne saurions omettre d’évoquer ici, il s’agit du service des enfants. Nous le devons à la volonté opiniâtre du docteur Belfils, médecin directeur entre 1945 et 1955. Grâce à ses efforts soutenus, il réussit à changer l’aspect de l’asile pour le rapprocher un peu plus chaque jour de la conception qu’il avait d’un véritable hôpital psychiatrique.

(…) Dès son arrivée, le docteur Belfils, porteur d’idées novatrices, élaborait son projet d’un service d’enfants inadaptés. En janvier 1946, il exposait l’idée d’ouvrir un service d’enfants anormaux non récupérables, dans les locaux désaffectés de la 4e division des hommes, et un service d’enfants anormaux récupérables, dans le bâtiment de l’administration.

(…) Il fallut attendre avril 1947 pour que le ministère donne son accord pour la création à Saint-Lizier d’un service d’enfants inéducables, le ministère ayant estimé que la seconde partie du projet concernant les enfants éducables et caractériels ne rencontrerait pas à Saint-Lizier les conditions suffisantes pour sa réalisation. Rien cependant ne pouvait arrêter la détermination du docteur Belfils, et c’est donc le 15 décembre 1947 que le service des enfants éducables vit le jour.

(…) Au tout début des années cinquante, une nouvelle étape allait être franchie : les jeunes malades de Saint-Lizier allaient être scolarisés. En effet, l’effectif le permettant, une salle de classe fut ouverte en 1949, et le premier instituteur spécialisé notre regretté André Bourneton, occupa ce poste dans l’enceinte de l’asile. Toutefois, la scolarisation des enfants ne fut possible qu’après de longues démarches que le docteur Belfils entreprit dès le mois de mars 1948, auprès de l’Inspection académique.

Le directeur argumentait alors le bien fondé de l’ouverture d’une salle de classe : « la thérapeutique appropriée, occupationnelle, ludique, suivie depuis six mois, a mis les enfants en état de recevoir un enseignement spécialisé et il serait indispensable que le poste d’instituteur spécialisé fût pourvu… »

Les années qui suivirent virent la pérennisation de ce service. Les effectifs des petits malades furent plus conséquents, si bien qu’en octobre 1949 la venue d’un éducateur spécialisé fut demandée afin d’étoffer le personnel en charge de ce service qui bénéficia ainsi d’une rapide expansion : « …les deux sections prévues seront bientôt constituées, l’une d’enfants semi-éducables intellectuellement qui relèvent de l’instituteur, l’autre d’enfants moins éducables qui relèvent cependant d’une éducation spécialisée. Pour ce faire, il faudrait pouvoir doter ce service d’enfants d’un éducateur spécialisé. » En 1951, la dénomination de ce service d’enfants inadaptés annexés à l’hôpital psychiatrique de Saint-Lizier pouvant laisser subsister une possibilité d’équivoque aux yeux de la population et des familles, celui-ci fut rebaptisé : Institut Médico-Pédagogique Les Isards. »

Jean Belfils

Le Dr Jean Belfils dans les années 1950

Photo prise dans les années 1950 du Dr Jean Belfils, lors d’un transfert de malades vers l’Algérie.

André Ortet à propos du Dr Belfils:

« Tous les anciens dont j’ai recueilli les témoignages m’ont parlé du Dr Belfils avec beaucoup de respect. Il a marqué son passage à St-Lizier par sa forte personnalité et aussi par ses qualités humaines à l’égard des malheureux malades, ce qui fait qu’il était respecté de tous. En fait c’était un homme juste et bon, dont tous évoquent le souvenir avec émotion. Il a beaucoup oeuvré pour le service des enfants auquel il était très attaché, et a terminé sa fonction à St Lizier avec l’apparition des premiers médicaments neuroleptiques, et l’on peut dire que son action a préparé le terrain à cette véritable « révolution » dans la prise en charge des malades. »

La cantine comme lieu de réinsertion

« Après les journées de travail, organisées dans les divers ateliers ou dans le cadre de la colonie, il fallait bien se retrouver dans un véritable lieu de vie et d’échanges, tant pour les pensionnaires que pour le personnel. Ce point de rencontre incontournable allait être crée le 25 juin 1956 [peu après le départ de Jean Belfils, NDLR] ; il s’agit bien sûr de la Cantine. La vocation et l’utilité de ce lieu ne furent jamais remises en cause, et, d’ailleurs, la cantine existe encore aujourd’hui dans le nouvel établissement.

Avant d’en arriver à cette heureuse réalisation, le médecin directeur [Jean Belfils donc], en 1946, fut confronté au non-paiement, dans les délais, du pécule des malades. Il s’émut de la situation, considérant à juste titre le pécule comme un moyen de revalorisation sociale, et, surtout, comme un adjuvant indispensable au moyen thérapeutique qu’est le travail. Il établit donc un lien entre le travail des pensionnaires et le moyen pour eux de profiter du fruit de leur activité, en imaginant d’abord la création d’une cantine, et ensuite un système de jetons qui seraient remis aux malades travailleurs, leur permettant de régler leurs achats. Cette solution offrant le double avantage de permettre une rémunération immédiate du malade, et d’éviter la circulation d’argent.

Début 1946, les jetons de diverses valeurs furent émis, en attendant l’ouverture de la cantine. Malheureusement, ce projet fut contrarié car les compressions successives de personnel n’avaient toujours pas permis, en 1950, de détacher un agent, pas plus que de recruter un cantinier.

D’autre part, des considérations administratives imposées par le Receveur des Impôts, en application du code des comptes de gestion, s’opposaient à la distribution de ces fameux jetons. En juin 1952, le directeur fait par à la commission que « la création d’une cantine pour les malades, mise à l’étude dès 1946, et pour laquelle des réalisations partielles on pu être menées à bien est sur le point d’aboutir. Le système de jetons est au point, et les jetons eux-mêmes sont prêts ; le local nécessaire est aménagé. Le projet a reçu un avis favorable de l’autorité de tutelle. Il faut maintenant affecter un agent à cette cantine. »

Les années passèrent et ce projet réaliste et conforme à l’humanisation et la vie sociale de l’hôpital finit enfin par voir le jour, dix années tout juste après sa conception. »

Salle de classe

Hôpital psychiatrique de Saint-Lizier, salle de classe
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